De la résistance à la régénération

Marianne

Texte

PHEALTHoverty
CITIES
CONSUMPTION

L'oeuvre

Aline a célébré ses 22 ans en 2022. C’est une jeune femme de son temps, elle fait partie de cette jeunesse consciente et engagée en faveur des transitions sociales et environnementales.

Son apparence est soignée aux couleurs bohèmes. Chaque matin, elle consacre un peu de temps afin de constituer une image qu’il lui plaise – cela permet qu’elle se sente bien dans son corps et apaise ainsi son anxiété du quotidien – et qui donne aux autres une belle image de ce qu’elle souhaite incarner : la possibilité de s’habiller avec des vêtements de seconde main, repérés dans des brocantes, achetés sur des plateforme dédiées ou en friperies tenues par des associations engagés pour le slow-fashion.
Ses cheveux sont ondulés, ses premières mèches sont retenues par une pince en forme de feuille, élégante et printanière.
Ce matin là, son sourire est timide, son regard est flou et embuée de frustration. Cela arrive parfois, dans les moments de doutes face à l’incertitude du futur, face à l’inaction de ses voisins, de ses grosses entreprises ou d’autres entités encore, qui la dépasse.
Des bottes hautes - qui lui donnent l’assurance nécessaire pour démarrer cette nouvelle journée, où convaincre est le maître mot - finalisent son look composé d’un col roulé fin et sobre et de sa jupe fleurie.
Ses mains pianotent avec une aisance remarquable son portable et son ordinateur, outils indispensables pour se documenter, alerter et faire réseau avec sa communauté de militantes et militants.

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A l’aube de ses 30 ans, Aline retrace le chemin parcouru en une décennie. Les choses ont bien évoluées depuis, elle n’aurait jamais imaginé de tels changements de vie. Elle se rapproche du miroir un peu oublié au fond de sa chambre, puisqu’il est d’ordinaire peu utilisé. L’image qu’elle voit la mue d’un grand sourire, sincère et ému.
Certes, elle n’est plus la jeune femme qui prêtait grande attention à son apparence d’il y a quelques années - à vrai dire elle ne consacre pas plus de 2 minutes chaque matin pour choisir ses vêtements et les enfiler - mais ce qu’elle y voit lui plaît.

Sa silhouette est décomplexée et décontractée, ses habits sont portés avec authenticité et praticité. Ses cheveux bouclés font désormais apparaître quelques mèches grises, et en fin de journée il n’est pas rare d’y trouver feuilles et parfois même quelques insectes, accrochés alors qu’elle travaillait.
Ses traits sont tirés, ils se sont endurcis, son regard est vif et déterminé.
Elle porte des vêtements qui pour la plupart ont été troqués avec ses voisins et amis en l’échange de légumes qu’elle cultive ou de fruits de son verger. Certains sont rapiécés mais toujours aussi fonctionnels. Ses poches sont garnies de ficelles et couteau – outils de première nécessité lorsque l’on travaille en ferme – et sont salies par un peu de terres que les mains apportent au fil de la journée.

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Ce soir Aline retrouve ses amis au Repair Café pour sensibiliser les habitants du quartier à la réparabilité de leurs électroménagers. Ils iront ensuite à leur bar préféré, pour déguster les fameuses soupes concoctées avec les invendus du marché du matin même, puis joueront de la musique avec les instruments en libre service. La soirée se termine sur l’air de « Résiste » de France Gall. Demain, la lutte recommence.

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Une fois après avoir rangé et nettoyé ses outils, l’odeur du repas préparé par les habitants de la ferme collective monte aux narines d’Aline. En rejoignant ses amis – les mêmes avec qui il y a quelques temps elle marchait dans la rue, organisait des ciné-débat, luttait dans les Zones A Défendre - qui s’activent autour du brasero, elle observe de loin cette agitation joyeuses et ordonnée, ce qui lui provoque une montée de chaudes larmes. Elle est si fière et heureuse de cette vie.

Au cours de la soirée, une chèvre se prépare à mettre bas et Aline se posta à ses côtés. Le chevreau naît en peu de temps sans difficultés. Quelques amis l’ont rejoint pour admirer ce spectacle touchant. Ils fredonnent en chœur « Simple as Can Be » de Xavier Polycarpe. Demain, la vie continue.


Le message

Face à l’anxiété que représentent les bouleversements à venir dus au changement climatique, il est essentiel de rêver à un futur désirable. Cependant, il est difficile de se projeter dans un monde en mutation : nos croyances d’aujourd’hui seront peut être remises en cause demain.

Le personnage de ce texte vit différentes phases de sa vie, et l’énergie de ses 22 ans consacrée à la lutte principalement, s’est orientée vers l’adaptation et la régénération en 2030. (Référence à la série documentaire de Cyril Dion « Un monde nouveau » 1. Résister 2.S’Adapter 3.Régénérer.)


Le processus créatif

L’idée est partie de la comparaison exclusivement physique d’une jeune femme en 2022 puis en 2030.
Puis les changements majeurs ne pouvant être expliqués que par le mode de vie du personnage, son cadre de vie est venu s’ajouter à l’histoire.