Nous marchons vers 2030 comme des funambules. D’un côté, le pessimisme paralysant que certains nomment réalisme. De l’autre, un idéalisme aveuglant. Dans tous les cas, une destination floue vers laquelle nous avons accroché nos objectifs et espérances. Cette photo guide notre regard vers ces horizons lointains. Face à cet océan jaune, brumeux, notre oeil cherche. Quelles sont les routes qui nous sont déjà tracées, quelles sont celles qu’il nous faudra inventer ? L’aube est porteuse d’espoir, voire de renaissance. Le brouillard donne matière à diverses interprétations : entre doute, mystère, on y voit des formes de premier plan rassurantes face à l’inconnu du plus long terme. L’air, si précieux, s’y matérialise à nos yeux. Les tons jaunes créent une ambiance chaude et de bien-être, mais toutefois assez électrique, étrange, lunaire. C’est ainsi que cette photographie évoque la fine limite entre le réel et l’irréel, l’idéalisme et le réalisme, l’optimisme et le pessimisme.
Actuellement en Service Civique au Népal pour un projet touchant à l’accès à l’eau et à l’adaptation au changement climatique, j’ai pris cette photo lors d’un matin d’hiver, pendant une excursion photo dans laquelle j’ambitionnais de prendre des clichés du lever de soleil. Je fantasmais déjà une lumière digne de “l’Aube de l’humanité” de 2001, L’Odyssée de l’espace de Kubrick. Au lieu de ça, c’est une épaisse marée de brouillard gris qui s’étendait devant moi, m’offrant au passage une belle leçon de philosophie : la nécessaire adaptation de mes désirs face au réel, comprendre l’essence du beau, jouir de l’imprévu. “Le soleil se lèvera-t-il demain ?” demandait après tout David Hume, dont les affirmations sont d’autant plus percutantes dans notre contexte de changement climatique. J’ai ensuite travaillé la photo notamment pour accentuer ses tons jaune, mieux définir les formes que l’on devine au premier plan, ce qui m’a donné une nouvelle occasion d’arpenter ces paysages envoûtants.
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