La petite fée cabossée

Lola Berthomé

Texte

PHEALTHoverty
EDUCATION

L'oeuvre

Je cohabite avec une petite fille difficile.

Elle déchire les vêtements qu’elle ne veut pas mettre, et jette son repas, lorsque rien ne lui plaît sans son assiette. Elle veut décider de tout, de là où on va, à quand on rentrera. Elle ne supporte pas lorsque l’attention n’est pas sur elle, et en même temps, elle prend peur lorsque l’on s’approche d’elle.

Elle ne joue pas, elle préfère rentrer en conflit avec moi, elle me pousse en pleurant, elle ne sait pas si je suis là pour bien, ou si encore une fois on la battra.

Le jour de son anniversaire, elle déchire violemment le papier cadeau, cette rage qu'elle porte en elle me fait froid dans le dos. Chez les personnes qui m’invitent, elle saute sur le canapé et prend la fuite, « je vais devoir vous laisser, elle doit être fatiguée la petite. »

Je cohabite avec cette petite fille, et le quotidien est difficile. Elle ne marche pas, elle court, elle ne joue pas, elle casse, elle ne caresse pas, elle griffe, elle ne parle pas, elle crie ; c’est sa façon d’être au monde, par peur qu’on l’oublie.

Cette petite fille me donne du fil à retordre, et pourtant, c’est elle que j’ai choisie pour vivre à mes côtés ; car j’ai vu dans ses petits yeux d’enfant, tout l’amour qui lui manquait. Derrière toute cette colère et cette violence, se cache avant tout une gosse brisée, que l’on n ‘a jamais respectée, ni même prit dans les bras et câlinée.

Je cohabite avec une petite fille en souffrance, qui n’a pour repère, que la peur et la méfiance. Les adultes ne font pas tous du mal, ils peuvent être sécurisants, comment faire comprendre ça à une gamine de 8 ans qui a passé toute sa petite vie à craindre les grands ?


Ma petite fille, j’espère qu’un jour, on habitera plus qu’on cohabitera, lorsque ton petit cœur ne sera plus en alerte, lorsque tu arriveras petit à petit à me faire confiance, et à trouver en moi plus de réconfort que tu ne le penses.

Je serai patiente, je serai à l’écoute de tes douleurs et de tes chagrins, pour que tu acceptes qu’on avance toutes les deux main dans la main, les miennes ne sont pas là pour te gifler, mais pour essuyer tes larmes qui ne cessent de couler.

J’ai confiance en toi, tu deviendras quelqu’un de bien, malgré les pierres tranchantes qui parcourent ton chemin, tu seras capable de douceur et de tendresse, et tu tomberas amoureuse, parce que tu en as le droit, tu sauras prendre soin de la personne qui vivra avec toi.

En attendant, je serai là, et nous franchirons les étapes de ta vie ensemble, je suis la personne qui adoucira ton petit monde cabossé, tu es la petite fille qui a fait de moi une maman comblée.


Le message

Le message que je souhaite faire passer, c'est qu'on peut devenir quelqu'un, et quelqu'un de bien lorsqu'une personne croit en nous, nous aide à nous reconstruire et nous accepte avec nos petites égratignures ou nos profondes blessures. L'amour ne laisse pas d'entailles sur le corps, il ne fait pas trembler de peur, il laisse des rayons lumineux dans le cœur. Pour un enfant, vivre dans un endroit sécurisant et bienveillant ne peut que l'aider à devenir un adulte épanoui.


Le processus créatif

J'ai commencé par évoquer le comportement de la petite fille, rempli de colère et de peur. J'ai commencé par dire que c'était une petite fille " difficile " , alors qu'à la fin, je dis que c'est une petite fille " en souffrance ", ce qui change tout car chaque comportement d'enfant a une raison. Je parle au début à la 3ème personne du singulier, et je continue en parlant à la 2ème personne du singulier, c'est à ce moment-là que je m'adresse à la petite fille. J'évoque tout ce que sa maman fait pour adoucir sa vie, sa maman qui a confiance en elle au fur et à mesure du texte, et qui finit par dire qu'elle sera toujours là pour elle.