Des interdépendances qui réparent.

Chloé Brighenti

Texte

EQUALITY
INEQUALITY
EARTH_LIFE
PEACE

L'oeuvre

Elle avait le regard de celle qui avait disparu de l’intérieur. Là sans être là. Elle avait cette distance au monde, aux autres, à elle-même. Elle n’était pas recroquevillée, pas recentrée sur elle, non, je vous parle de celle qui a disparu parce que les autres, un autre, la prise. Et comment être en prise sur le monde, quand vous n’existez plus vraiment ? Quand on vous a volé une part de votre existence.

Elle était là, sans être là. Elle s’effaçait ou parlait trop pour s’effacer derrière les mots. A distance d’elle-même parce que dissociant tout. Chaque partie de son corps : sa tête, son corps et son cœur imaginés séparément. Ne se répondant pas ou plus. Comment cohabiter avec les autres quand vous ne cohabiter pas avec vous-même ?

Alors voilas, elle avait décidé, elle continuerait de vivre oui, mais juste de l’extérieur. Tout était mort dedans, tout était sale, tout était morne. Vivre dans le regard des autres c’est tout ce qui lui restait. Mais les autres, c’est pas la vie. Comment ressentir quand tout est mort dedans ? et si on ressent pas, est ce qu’on vit vraiment ?

Ressentir c’était trop violent. Le rien valait mieux que le brutal. Le rien valait mieux que la douleur des souvenirs qui revenaient en flash. Le rien c’était quand même quelque chose.

Pourtant, c’est ce rien qui l’a sauvé du néant. C’est les autres. En quelques minutes UN autre l’avait disséqué. Il aura fallu des années pour que DES autres la réparent. Peut être par chance, probablement parce qu’il y a beaucoup de beau dans l’humain, elle avait vécu dans le regard d’autres, et ce regard avait su être tendre. Alors elle a réappris à vivre, dans la douceur.

Et peu à peu, elle est revenue. En vivant à travers les autres, elle avait appris à vivre tout court. Les émotions sont revenues, très fort, parfois trop fort, mais ressentir c’est encore mieux que le rien. Elle s’est sentie habitée de nouveau. Un écosystème entier se développant à l’intérieur. En symbiose avec celleux qui comblaient ses manques. Tout était en vie à l’intérieur.

C’est en cohabitant avec les autres qu’elle a cohabité avec elle-même. Elle a créé des interdépendances pour ne plus se laisser mourir du dedans. Des liens, partout, pour retenir les chutes. Des liens partout pour être en prise avec le monde. Pour l’habiter sans l’abimer. Pour faire vivre les autres aussi fort qu’iels l’ont fait exister. Tisser des réseaux entre humains et non humains, entre générations, entre sensibilités. Tisser des liens pour faire que le monde ne se défasse pas.

Se comprendre comme au milieu d’un tout, d’un tout bien trop grand pour ne pas pouvoir exister en son sein. Un tout qui dépend de chacun⸱e et de toustes. Un tout qui commence par réparer le soi, mais sans isolement, sans replie individuel. Se réparer en reprenant sa place dans le monde et donner la sienne au reste, au tout, même au vide.
Être une fleur parmi les fleurs, se nourrir de la terre, du ciel et nourrir les abeilles.


Le message

Je souhaite proposer une vision du monde rencentrée sur les liens entre êtres vivants : humain et non humains. Parce que l'on a besoin des autres pour aller bien, parfois, souvent même, pour vivre. C'est pour moi en recréant des interdépendances que nous parviendrons à créer un avenir qui prend soin : qui prend soin des individus et de ce qui les entoure. Et c'est en passant par le soin que nous construirons des sociétés plus à même de répondre aux souffrances humaines mais aussi non-humaines. C'est en comprenant que nous avons besoin de la "nature" (dont nous faisons partie" que nous arrêterrons de la détruire. Parfois quelques mains tendues permettent de faire exister quelqu'un : pourquoi ne pas créer un système de mains tendues ?


Le processus créatif

Le texte a très peu évolué depuis sa première écriture. Je l'ai écrit seule, d'une traite. Parce qu'il repose sur une expérience personnel, je n'ai pas souhaiter le modifier de trop. Il part de moi, de mon processus de réparation. Mais je crois qu'il parle surtout des autres. : c'est un peu un texte pour dire merci.
Le processus créatif n'est en réalité pas très imposant : j'écris un peu comme je ressens les choses, et parfois je trouve ça beau. Parfois j'ai l'impression que cela peut avoir une utilité : c'est peut-être le cas ici.