Un regard fauve perce le feuillage et révèle un fragment de l'être qui le porte, habilement dissimulé derrière son rideau vert, vivant parmi les vivants. Le temps d'une respiration et il disparaît à nouveau, insaisissable, incontrôlable. Quel plus grand symbole de notre difficulté à coexister avec les non humains que lui, le loup ? Quel plus farouche résistant du monde sauvage, que celui qui, sans cesse, nous rappelle que notre rapport au vivant ne peut plus, et n'a jamais pu être, celui de la force ? Mais celui de la compréhension, de la négociation... De la cohabitation.
Le loup nous observe et nous renvoie notre propre image. De part et d'autre du miroir : les reflets de deux être vivants, avec leur vie de famille, leurs amours, leurs colères, leur empathie de mammifère. Chacun au plus haut de la chaîne alimentaire. Des rivaux à bien des égards, mais aussi, comme se plaisaient à les appeler les premiers peuples, des frères. Ils n'ont plus qu'à apprendre à se partager le même toit.
Cliché saisi lors d'un volontariat au Portugal dans un sanctuaire de loups ibériques. Les loups qui y sont accueillis sont majoritairement issus de zoos, ou de détention illégale. Au refuge, ils se réapproprient un semblant de liberté dans de grands enclos au décors naturel. Né d'une romance imprévue entre deux pensionnaires, l'histoire du loup qui nous regarde est un peu différente. Assez farouche pour être difficilement aperçu mais sans véritable éducation à la vie sauvage, son destin est celui d'une existence hybride, entre liberté et captivité.
Lors d'une ronde entre les enclos, j'arrive à l'apercevoir quelques secondes, juste le temps de lever mon objectif et d'aller rencontrer son regard. Emue par ce moment et sensible à l'importance de notre coexistence avec le loup, le choix de ce sujet pour le thème "cohabiter" sonne comme une évidence. J'ai ensuite recadré et retouché la photo pour mettre en valeur sa présence, furtivement majestueuse.
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