Maman, j'ai peur...

Jeanne

Texte

PHEALTHoverty
EDUCATION
INDUSTRY
CONSUMPTION
WATER_LIFE
PEACE

L'oeuvre

Maman,
Je suis désolée mais je n’ai pas tenu la promesse que j'avais murmurée au creux de ton oreille. J’aimerais te regarder dans les yeux et te dire que j’ai la force d’avancer mais ce serait te mentir ; pas toute seule en tout cas.
Je t’en ai voulu maman tu sais. J’aurais aimé que tu m’apprennes à vivre dans un monde comme celui-là, que tu me dises à quel point ça ne serait pas facile de continuer à y croire quand tout s’effondre sous mes yeux. J’ai regardé trop de films maman, lu trop de livres. Pourquoi raconte-t-on aux enfants des histoires de contes de fées alors que notre histoire à nous est remplie de sorciers et sorcières qui sont bien plus compliqués à combattre ?
Maman, les princes charmants et les miracles n’existent pas, toutes mes peurs sont encore là, ancrées à l’intérieur de mon corps. Elles se partagent un bout de mon cœur avec les rêves qui ne sont pas encore tombés dans l’oubli.
Tu sais, j’aimerais voir des dauphins nager alors que maintenant je les vois morts sur le sable ou dans nos filets, j’aimerais regarder les étoiles, allongée sur l’herbe fraîche, alors que maintenant je ne vois que fumée, j’aimerais rire, rien que pour faire une pause, en allumant mon portable alors que maintenant je ne vois que des images d’enfants en souffrance et d’hommes qui se détruisent en pensant mieux se construire.
Tout n’est plus que profit alors qu’on transforme la nature en terrain de guerre et nos océans en plastique.
Maman, je voudrais tellement voir plus de beaux sourires et un peu moins de larmes. Je ne veux plus que le paysage de mes sorties continue à être les quatre murs blancs de ma chambre car je ne sais ce que deviendra l’avenir si on ne change rien.

Mais, parfois, je ferme les yeux pendant un court instant, assise sur une chaise en bois, sans avoir envie de les ouvrir à nouveau.
Je plonge mon âme dans cet horizon si vaste.
J’imagine à quoi aurait pu ressembler cette planète si on l’avait un peu plus caressée, si on réussissait à trouver l’équilibre entre nos envies et nos besoins.
Et je la trouve MAGNIFIQUE.
J’ose même penser qu’on peut encore faire en sorte qu’elle redevienne comme elle aurait toujours dû rester. Elle était si belle avant. J’aimais t’écouter me raconter tes histoires de petite fille. J’ai aimé que tu m’apprennes à voir les couleurs, les formes, les textures comme une seule et unique unité.
Maman, je ne comprends pas pourquoi les gens n’arrivent pas à cohabiter avec elle... peut-être parce qu’ils n’arrivent déjà pas à vivre ensemble. Elle est assez grande pour tout le monde pourtant, tu ne penses pas ?
J’aimerais leur donner mes yeux, tes yeux, pour qu’ils voient ce qu’ils détruisent et qu’on danse tous ensemble, comme dans les manifs, pour leur montrer que la solidarité est bien plus forte que leurs machines.
Je crois en l’amour maman, en ta main tendue et à toutes les autres qu’il va pouvoir y avoir après qu’on ait enfin compris qu’on avait le droit d’y croire.

Alors oui je n’ai plus la force, mais j’ai mon sourire, des gens, la passion, la persévérance et l’espoir.
Ensemble on arrivera sûrement à faire de ce monde quelque chose de plus beau et à ce moment-là, je pourrai honorer ma promesse...


Le message

Vivre même quand on doute de l’avenir. Y croire encore, ensemble. Je voulais un texte qui donne envie de continuer à se battre même si on ne sait pas de quoi demain sera fait. Et je pense que c’est pendant les moments difficiles qu’on a encore plus besoin des autres et d’humanité. Il était important pour moi de montrer que nos “faiblesses’, ces rêves qu’on oublie parfois, sont l’essence de nos vies. Avancer seule, croire qu’on est invincible, ne fera pas de nous quelqu’un de fort, bien au contraire, alors que le partage, l’entraide nous apporteront bien plus pour construire un monde un peu plus beau que celui dans lequel on vit.


Le processus créatif

L'écriture a toujours été pour moi l'occasion de m'échapper de la réalité, un instant suspendu où je pouvais dire ce que je ressentais sans avoir peur du jugement. Alors je n'ai vraiment pas eu à réfléchir sur le support que j'allais utiliser pour dire ce que j'avais envie d'évoquer sur le thème. Pour la forme que mes mots pourraient prendre, j'ai pensé à cette petite voix en moi qui aime parler aux gens qui m'entourent sans avoir la force de leur dire en face. Une lettre qui ne s'envoie pas mais qui se crée dans la tête. Je voulais que ce ne soit pas la jeune femme qui parle mais cet enfant intérieur, celui qu’on a tous au fond de nous et qui nous permet de voir les choses avec un peu plus d'innocence, permettant à tout le monde de se reconnaître. Pour finir, j'avais envie d'imaginer ce que je voudrais dire aux générations d'avant, qui sont représentées par la mère, mais surtout de laisser aux lecteurs la possibilité d'imaginer la promesse qu'ils auraient pu faire eux aussi.