Ce soir là je suis rentrée seule. En silence, je me penche pour défaire mes lacets à doubles nœuds. Le sang me monte à la tête, je me relève trop vite et j’ai le tournis. Je décide de m’asseoir sur le sol, dans le couloir à l’entrée de mon appartement. Mes lèvres, teintées par le vin rouge et le froid, esquissent un sourire amer.
Je fixe le mur blanc à un mètre de moi. Il est trop proche pour que j’étende mes jambes alors je me recroqueville, la tête sur les genoux. Je ferme les yeux, mon esprit divague. De retour dans le froid glacial de ces pièces vides, j’aime le souvenir de la chaleur humaine et transpirante des heures dansantes. Le silence est si profond qu’il en devient strident. J’ai mal aux oreilles, il n’y a plus de musique mais mon âme, elle, danse encore.
Je me décide à me lever quand la douche chaude m’appelle. Je ne prends pas la peine de ranger mes vêtements, je les laisse tomber à mes pieds et je me glisse d’un coup sous le jet brûlant. Je fais en sorte que chaque goutte m’encercle, pour qu’aucune parcelle de mon corps ne soit exclue de cette vague de buée. C’est comme la sensation d’un câlin qui réconforte, une chaleur qui embrase tout entier. L’eau qui coule sur mes oreilles bouche tout accès au bruit extérieur. A cet instant, je n’entends plus rien. Je plonge là où même le silence de chez moi n’a pas accès, là où une seule et unique personne ne peut accéder : au fin fond de moi-même.
Je ressens soudainement l’histoire d’amour du premier jour, mystérieuse et présente depuis mon premier souffle. Un intime cœur à cœur s’installe. Mise à nue, je fais place timidement au face à face qui s’impose lorsque les barrières tombent. Au milieu des gouttes chaudes, la face cachée de l’iceberg fait surface, le temps d’un instant. L’extraversion salue l’introversion. Timidité et culot s’embrassent, maladresse et légèreté se bousculent. Opposés états d’âme s’attirent enfin. Et dans la multitude de ce que je suis, ce soir là, je ne fais qu’un.
Sous le même toit, je m’apprivoise. J’ouvre cette porte pour accueillir ce que j’ignore de moi. Avec audace et douceur, je cohabite enfin.
Apprendre à cohabiter est une chose difficile. Le vivre ensemble s'apprend et ce, sans aucun doute à travers les autres - par le biais des relations et de nos cohabitations. Mais je suis convaincue que nous avons chacun besoin de nous apprivoiser nous-même avant toute chose. S'apprivoiser soi même, ne pas avoir peur du fond de nous même, oser et apprécier être seul(e)... sont des formes de cohabitation qui nous construisent. Cela nous prépare au vivre ensemble, de manière mature et respectueuse envers autrui. Dans une société guidée par la rapidité et l'abondance, il est grand temps de savoir se retrouver au fond de soi.
J'ai longtemps été terrifiée à l'idée de vivre toute seule. J'avais peur de ce face à face. La sensation était telle que je ne me suffisais pas à moi-même. Un peu comme si un tel moment était socialement "insuffisant" et que d'être forcée à être confrontée à des pensées en solitaire ne me feraient pas grandir. Puis j'ai fini par réaliser au cours de ce genre de moments que j'ignorais encore beaucoup de choses de moi et que je passais à côté de découvertes précieuses. Le thème cohabitation m'a directement fait penser à ma relation aux autres. Mais j'avais envie de creuser un spectre un peu différent, inattendu, ce à quoi on ne pense pas forcément en premier quand on parle de cohabiter. Ne pas avoir peur de soi mais apprendre à être son propre ami, en voilà une cohabitation magnifique ! Savoir cohabiter avec les autres commence par une relation avec soi-même, respectueuse et entretenue. :)
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