LE CHANT DE « BLÉ »
Un individu entame une discussion avec sa voisine après avoir quitté l’agence pour l’emploi.
Monsieur Sarfaud. — Paraît-il que je ne suis rien sans vous.
BETULA. — Cher voisin, ma politesse n’a jamais récolté que votre indifférence.
Monsieur Sarfaud. — Il me semblait difficile de vous aborder.
BETULA. — Parler de la pluie et du beau temps n’aurait-il pas suffi ?
Monsieur Sarfaud. — À vrai dire, je n’ai pas vraiment de raison de sortir. Ma conseillère m’a demandé de vous rencontrer.
BETULA. — Je ne suis jamais loin.
Monsieur Sarfaud. — Moi non plus, je voyage autant que vous. Je n’ai rien à fuir.
BETULA. — De quoi voudriez-vous parler ?
Monsieur Sarfaud. — De nos points communs. J’aimerais vous inviter à dîner, chère madame.
BETULA. — Je ne dîne pas ! Madame ?
Monsieur Sarfaud. — Dans ce cas, puis-je vous inviter à danser ?
BETULA. — Je ne choisis pas de danser.
Monsieur Sarfaud. — Une simple étreinte ?
BETULA. — En avez-vous le temps ?
Monsieur Sarfaud. — Comment vous aborder alors ? Vous êtes si sève•re avec moi… Je me trompe sans doute, vous n’êtes que prudence, mais je ne sais par quoi commencer.
BETULA. — Je suis trop vieille pour vous.
Monsieur Sarfaud. — Je ne veux pas faire partie de ces malheureux qui vous cherchent toute leur vie.
BETULA. — Vous plaît-il de me trouver ?
Monsieur Sarfaud. — Je me sens en sécurité. Santé ! Il va pleuvoir, moi je rentre.
Un pré, un bouleau, un homme qui s’éloigne.
Je souhaite immerger le lecteur ou la lectrice dans un monde où les arbres parlent notre langage. Cette rencontre découle d’une simple incompréhension. Le contenu de la discussion est secondaire ; ce qui émerge, c’est le fossé entre les vivants. Betula, qui signifie « bouleau » en latin, ne sera jamais capable d’établir une connexion selon des principes humains. Ce texte incite à se questionner sur le possible contenu de nos conversations avec les arbres. Parleriez-vous de la routine quotidienne, d’événements historiques, de massacres à leur famille ?
Dans le hameau des Pruniers, un moine s’exprime : « Les arbres ont la capacité de nous transmettre des messages olfactifs. Toutefois, leur temporalité ne coïncide pas avec la nôtre : ils émettent leurs signaux, mais nous avons déjà quitté les lieux. »
J’aime le théâtre simple, celui qui fait sourire, qui résonne avec des phrases marquantes de la vie quotidienne. Je mène également une recherche sur l’attribution d’une personnalité juridique aux éléments naturels. Je demeure perplexe face à l’écart entre les concepts juridiques et nos expériences tangibles.
J’ai maintenant l’habitude de m’installer près de l’arbre, espérant que son parfum de caramel me parvienne. Je tente de percer ses secrets, imaginer son quotidien et les épreuves traversées. Que voudrais-je lui dire ?
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