- Mamie, mamie, raconte moi s’il te plait !
Je regarde ma petite fille qui commence à devenir grande. Dans son regard, j’y vois la bienveillance, l’amour, la paix et ça me transporte de joie.
- Assis toi à côté de moi, ma grande. Je vais te raconter.
Le monde d’avant était sombre et voué à l’échec. Les gens ne pensaient plus qu’à faire des intérêts par tous les moyens. On écrasait tout. Les puissants, les pires. Ça n’allait pas tenir. Mais tout le monde était dans le déni. Et toute personne s’opposant à cette mascarade était jugée, réprimée, voire tuée. Comble de tout, elle était vu responsable des maux de cette société. J’étais l’une d’entre elles. Je ne supportais pas cette hypocrisie collective et je n’arrivais pas à fermer les yeux. On avait beau crier à l’aide, montrer cette décadence, personne s’intéressait à nous, à part pour nous opprimer. Beaucoup rentrait dans leurs foutues cases. Mais moi je m’y sentais à l’étroit.
Quand tout s’effondra, je ne fus pas surprise. Les ressources s’épuisaient. Les pannes d’électricité étaient régulières la guerre partout, la pollution visible dans le ciel. Par imprudence, l’ensemble des puissants s’étaient rassemblés dans un sommet mondial. Boum ! Un groupe terroriste fit tout exploser. La panique générale : on s’entretua. Le monde devint chaos. Toutes nos institutions, notre système s’effondrèrent. On était livré à nous même. Enfin.
On s’organisa dans mon petit groupe de résistance. On collectivisa nos moyens et nos ressources. On ramena de la ville tout ce dont on avait besoin. Il fallut cultiver tout ce qui était possible de cultiver. C’était difficile avec la pollution. Mais on avait de l’espoir. On y croyait. On construisit un lieu où chaque personne y apportait ce qu’elle pouvait ou voulait. On eut l’idée de monter dans les arbres pour s’abriter. Une première cabane apparut puis de plus en plus et même après des ponts entre chaque. On se réunissait souvent pour prendre les décisions ensemble. Personne n’était mis de côté. On faisait des compromis pour éviter la tyrannie de la majorité.
De plus en plus de gens nous rejoignaient. On fut débordé, on était trop. Alors on décida de séparer en plusieurs lieux et pour rester à échelle humaine. Ca permettait de pouvoir tous et toutes s’écouter sans oublier personne. Des fois, on faisait des grandes réunions entre différents lieux, mais on faisait toujours tourner les personnes qui y allaient pour ne pas concentrer le pouvoir dans les mains de mêmes personnes. Tout le monde était sur un pied d’égalité, avait le droit de vivre comme il/elle l’entendait, de parler, d’apporter ses compétences et ses envies à la communauté. On s’entraidait avec respect, amour et bienveillance. On était dans la prévoyance et la prévention. Toute personne était écoutée et accompagnée comme il fallait pour ne pas laisser la souffrance s’installer et ainsi éviter les agressions et auto-agressions. Et ça marchait très bien.
Puis les décennies sont passées, et ta mère grandissait. De plus en plus de communautés fleurissaient partout. Le monde se sécurisait. Donc j’ai commencé à un peu voyager avec ton grand père pour découvrir ce qu’on faisait ailleurs et m’inspirer. J’étais en train de rentrer alors que ton papy était très malade. Je l’ai accompagné jusqu’à son dernier souffle. Quand je suis rentrée complétement désespérée, je t’ai vu toi. J’étais grand-mère ! Tu devins mon rayon de soleil et cela m’aida beaucoup. Quand ta maman se blessa gravement et succomba de ses blessures, ce fut très difficile. Mais on était toutes les deux. Et toute la communauté nous aidait et faisait preuve d’une sollicitude et d’une bienveillance immenses. Je n’avais jamais connu ton père et personne savait qui il était. J’étais ta seule famille et tu étais ma seule famille. Tu as grandi heureuse. Et tu as fait mon bonheur.
- Tu as grandi et tu es devenue la formidable fille que tu es. Je t’aime fort, ma chérie. Je crois en des jours encore très heureux pour tout le monde. J’aime ma vie, et j’aime aujourd’hui notre pouvoir de résilience.
- Je t’aime Mamie, merci pour qui tu es.
A travers mon texte, j'aimerais faire passer le message qu'un autre monde est possible plus respectueux de chaque personne et de notre environnement, mais pour cela il nécessite une décentralisation globale des pouvoirs et sociétés. Ici, je l'ai présentée dans un monde post-apocalyptique. Mais, il est peut-être possible d'y arriver par un autre moyen, si on arrive à travailler ensemble et se rendre compte que plus nous attendons plus nous augmentons le risque d'augmentations de crises pouvant engendrer des effondrements...
J'ai tout d'abord beaucoup réfléchi à ce qu'était un futur désirable pour moi, puis comment on pouvait l'atteindre. Il a fallut ensuite réfléchir à une histoire qui permettrait de raconter ma vision de l'avenir. J'ai choisi de commencer ma nouvelle autour d'une discussion entre une grand-mère et une petite fille, parce que je trouve que la transmission transgénérationnelle est essentielle et merveilleuse pour construire un nouveau monde.
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