Sommeil des corps affamés

Matio Razafindrazaka

Texte

Poverty
HUNGER

L'oeuvre

Ce corps qui dort ne peut pas avoir faim, alors il continuera de dormir avant de se recroqueviller à son réveil.

Un pas puis un autre pour aller boire ce qui reste de la pluie d’hier, parce qu’il a plu à l’intérieur et peut être qu’il ne pleuvra plus dès demain. Pourquoi sècherait-il ses larmes alors qu’il faut les récolter ?

Ce n’est plus de la peau sur les os parce qu’ils ont déjà été rongé jusqu’à la moelle. Ce ne sont plus des côtes qui ressortent, mais qui déchirent la peau. Ce n’est plus crier famine, c’est se noyer dans le sang qui monte à leur gorge.

Ce n’est plus un corps qui dort parce qu’il sait qu’une fois bercé, plus rien ne le ramènera.
Alors c’est un corps qui déambule et qui se traîne sur la terre rouge, c’est un corps qui soupir au risque de s’effondrer.

Ce sont des doigts et des ongles qui creusent de la poussière, des bras et des jambes qui s’écorchent et se perdent.
Une lamentation consomme trop d’air de ses poumons, une larme qui coule brûle sa peau tannée.

Bientôt d’autres corps iront se coucher, les uns après les autre auprès d’un feu qui n’avait plus rien à brûler.

Plus aucun d’entre eux n’aura à se recroqueviller à leur réveil, parce que ces corps dormiront et n’auront plus jamais faim.

Plus aucune pluie ne tombera une fois la nuit tombé, parce que ces corps dormiront et n’auront plus jamais soif.

Désormais, il n’y aura plus personne pour border ces corps avec de la terre.


Le message

Ce poème est un plaidoyer que l'on murmure en toute humilité au sujet d'une souffrance beaucoup trop répandue. Elle invite à une prise de conscience face à une réalité tragique, celle de la faim et de la pauvreté qui laissent des corps et des esprits agoniser dans l'impuissance.
L'œuvre cherche à éveiller l'empathie et la responsabilité collective, en rappelant que chaque souffrance humaine mérite d'être entendue, même celles dont le cri n'est plus audible. La dualité entre le repos dans la résignation et celui dans l'apaisement offre le choix de l'espoir, l'espoir d'un monde où la faim n'est plus une fatalité, mais une injustice du passé.


Le processus créatif

Il peut sembler désolant de le dire mais la construction de cette oeuvre s'est faite d'une manière très naturelle.
La pauvreté et la famine sont omniprésente dans mon pays, Madagascar, non seulement dans les territoires reculées de l'île mais aussi dans chaque régions, ainsi la capitale et ses périphéries.
Cette oeuvre s'inscrit dans une collection d'écrits et de poèmes sur lesquels je travaille. Elle est née d'une écriture instinctive et profondément émotionnelle, ajustée et affinée pour offrir une lecture poignante qui éveil le notre sens de l'humanité.