– Ça te dit une bonne pizza ce soir ? Lui dis-je
Il s’approche de moi, je fais pareil et on s’embrasse. Je plane dans les étoiles.
Cinq minutes passent comme une seconde.
– Avec plaisir ma petite étincelle. Me répond-il après notre danse labiale.
“Ma petite étincelle”, j’adore.
Je mets la pizza dans le micro-onde pendant 12 minutes.
Que faire de ces 12 minutes d’attentes ? Facile.
Viens là mon petit amoureux, on va se téléporter dans le futur.
La danse reprend et la seconde d’après le micro-onde sonne annonçant la fin des 12 minutes.
La pizza est prête !
On la sort avec son emballage protecteur, on la pose sur la table et Mathieu soulève le plastique. Mais le fromage y reste collé comme fusionné et se fait emporté par son cellophane symbiote. On regarde tous les deux la pizza d’un air ahuri, la croûte molle, la garniture dégarnie et une absence d’odeur.
– ça me dégoûte. Putain de pizza de merde, ça me révolte, pourquoi j’ai acheté cette merde. 7 balles
– En plus, elle est notée F, chuchote Mathieu.
– Ouais, c’est pas avec ça qu’on va garder la ligne ! Sept balles !
– Iza, on a besoin de garder la ligne ?
– Non, c’est vrai, en s’en fou d’être des mannequins anorexiques.
– Je crois que j’ai plus faim, on fait quoi ? Me répond-il.
– On se révolte !
Je lui prends la main et il me suit aussitôt comme aimanté. On sort dehors dans la rue nocturne.
On n'est pas seul. Dehors, dans la nuit, il y a foule. Des tracteurs, des voitures de police, des gens de tout âge marchent ensemble.
On se joint à eux. J’appelle mon autre meilleur ami.
– Allô vagabond ! Tu avais raison, le monde s’est réveillé !
Des hommes en costard descendent de leur tesla. Les SDF se lèvent de leurs trottoirs. Des foules leur apportent des repas cuisinés. On amène ceux qui n’ont rien dans les boutiques de la rue Rivoli et pour les vêtir de douceurs. Les inconnus se parlent.
La tension monte, les force de l’ordre sont arrivé. Ils sont dépassés, ils sont stressés, ils sont tous armés. Des coups de feu résonnent. Mahieu me propose qu’on s’écarte, je refuse, je m’approche. Il y a de tout, des jeunes, des handicapé, des vieux, des pauvre, et même Bernard Arnault qui fait rire un môme pour le détendre. La foule avance jusqu'à rencontrer un mur. Une ligne de CRS inflexible. Les lignes sont en suspension. Le temps est figé, pas pour un baiser cette fois, pas pour de l’amour, mais par la peur, par les forces qui se masse et menace de se détruire. Un nuage blanc toxique se faufile dans la foule.
– Dispersez-vous !
– Sinon, serez tous fiché S ! Menace un lieutenant.
La foule ne bronche pas. Tout le monde attend, presque pacifiquement devant l’ordre établi. Des grand-mères remettent leur châle pour ne pas attraper froid, les enfants rient sans vraiment comprendre le risque qu’ils courent. Puis la bulle explose. La tension disparaît. Les policiers lâches leur bouclier, range leurs armes dans leur étui, ils enlèvent leurs cagoules, leurs visages s’illumine enfin, ils rejoignent la foule et bientôt, on ne distingue plus qu’un seul groupe.
Nous marchons tous en emportant sur notre chemin la publicité, on démantèle le goudron pour faire respirer la terre, bientôt la présidente ouvre l’Élysée et une soirée dansante y prends place. Partout sur terre, les nouvelles sont les mêmes. C’est terminé !
Et si c'était possible ? L'idée de ce texte, c'est de se plonger dans une réalité où tous le monde prendrait conscience des inégalités et changeait le monde. Comme si une révolution pacifique et globale devenait possible. Comme si devant l'absurdité du capitalisme qui détruit le monde et crée de plus en plus d'inégalité, l'humanité se réveillait.
L'intention avant d'écrire ce texte, c'était qu'il me donne un sentiment d'espoir. J'ai d'abords voulu partir d'un moment très intime, deux amoureux passant une soirée ensemble, j'avais comme envie de parler des relations amoureuses et d'en dépeindre une version saine et finalement, je suis tombé sur cette image d'une pizza industrielle. Alors, j'ai eu cette envie de révolte contre le consumérisme et je me suis laissé me dire, pourquoi pas.
En même temps, je co-écris un roman de science fiction dans un univers low tech ayant rejeté tout comportement toxique (inégalité de genre, pollution, domination...). Alors, ce petit texte est en quelque sorte un préquel.
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